Anticiper l’incertitude1
Qui était encore conscient avant cette pandémie que la vie danse avec la mort?
Sous nos cieux loin des famines, des tsunamis, des guerres, la mort avait été rangée au placard de la vie privée. Mais le spectre de la mort s’invite au bal de la vie.
La mort remet la fragilité à l’ordre du jour. Avec l’incertitude qu’elle laisse planer : quand sera-ce mon tour? Dans quelles circonstances?
Dans mes jeunes années, la mort du ‘petit dernier’, quelques instants après sa naissance, a planté en moi la fragilité de la vie.
Je réalise deux choses.
D’abord, la vie, ça peut être plutôt court.
Puis, je n’en ai qu’une pour ‘en faire’ quelque chose.
La vie éternelle ne consiste pas en années -ou en siècles- qui s’ajoutent APRÈS les années de cette vie commencée en 1951; mais la vie éternelle consiste à donner aux années que je vis depuis 1951 leur dimension d’éternité. La première lettre de saint Jean est claire : ‘Nous, nous passons de la mort à vie en aimant les autres. Qui n’aime pas habite la mort.’2
Or, j’essaie d’aimer dès maintenant et je crois que ça donne à ma vie ses couleurs d’éternité. Je n’ai que maintenant pour aimer, demain je n’en sais rien.
Plus j’anticipe l’incertitude de la date et de la manière dont mon souffle s’éteindra, plus je crois que ‘l’Amour est notre seule part d’éternité’ (Pierre Major).
Rénal Dufour, prêtre et curé
1 Source : Le Monde diplomatique, août 2020, page 26, in La Revue internationale et stratégique. 2 Voir 1 Jn 3, 14